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      Une "réfugiée" réfugiée en France

Une "réfugiée" réfugiée en France

Le témoignage d’une apatride catholique réfugiée en France ...
Prions pour ceux qui sont "en survie" ...
Témoignage paru dans le journal "La Croix"


Souraya, un condensé de l’« Orient compliqué »

Alors que la guerre en Syrie dure depuis plus de deux ans, Souraya, une chrétienne dont la famille paternelle a déjà été déracinée de Palestine, raconte son quotidien.

A propos de la photo :

Pour protéger sa famille restée à Damas, Souraya se cache derrière le visage d’une petite fille blessée lors du bombardement de sa maison dans la province d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie.

« Aujourd’hui, la 20e roquette est tombée sur Damas. » C’est le dernier message arrivé sur le smartphone de Souraya. Il est signé de sa mère qui vit à Damas. « Ma vie est dans mon téléphone portable », dit-elle en pianotant nerveusement sur les touches de son portable.

  • Petite mais décidée, Souraya a 36 ans. « Ironie de l’histoire, c’est l’âge de ma grand-mère paternelle lorsqu’elle a fui Jaffa en Palestine. Elle a été chassée avec sa famille en 1948, par les Israéliens. Moi, je suis en France chassée par la guerre. Ils avaient une maison où le nom de famille est toujours gravé dans la pierre. Mon oncle, qui a la nationalité américaine, s’est rendu à Jaffa. Il a retrouvé la maison, a frappé à la porte. Elle était occupée par une famille israélienne. Elle ne l’a pas laissé entrer. Mon oncle a gardé le titre de propriété, mais cela ne change rien. »
  • « Sur la fin de sa vie, ma grand-mère, qui avait 92 ans, avait perdu la mémoire, sauf de cette période. Elle ne cessait de dire : “On est parti quinze jours de la maison, on est resté soixante ans en exil” », en parlant de leur fuite par la mer au Liban, puis en Syrie.

DE NATIONALITÉ INDÉTERMINÉE

  • Souraya est née à Damas d’un père palestinien, catholique latin, et d’une mère syrienne d’Alep, syriaque catholique. « À moi toute seule, je suis une vraie minorité ! » et un condensé de « l’Orient compliqué ». Son grand-père maternel était d’Alexandrette – aujourd’hui Iskenderun –, territoire syrien donné à la Turquie par la France en échange de sa neutralité dans la Première Guerre mondiale. Élevé chez les jésuites de Damas, il a ensuite travaillé avec Michel Écochard, l’architecte français qui a dessiné les plans de la capitale syrienne.
  • Souraya, palestinienne par son père, donc réfugiée de 1948, bien que née à Damas de mère syrienne, n’a pas de passeport. Elle circule comme tous les réfugiés palestiniens avec un « document de voyage ». « Je ne suis même pas apatride, je ne peux donc pas avoir de visa de Schengen ! » À la préfecture, alors qu’elle venait faire sa demande de carte de séjour récemment, un fonctionnaire lui fait cette remarque : « En somme, vous êtes une réfugiée qui vient se réfugier. » « Il a trouvé ça drôle, moi pas. »
  • La première fois qu’elle est venue en France lorsqu’elle était étudiante, l’administration a même inscrit sur sa carte de séjour « nationalité indéterminée ». Son absence de statut reste un sérieux handicap. Ainsi, la société française pour laquelle elle travaillait en Syrie a dû fermer ses portes à cause des combats. Elle voulait l’envoyer en poste dans une succursale dans un pays arabe. Mais les autorités de ce pays (que Souraya préfère ne pas nommer) ont refusé de lui donner des papiers parce qu’elle est palestinienne. Une déception au moment où elle pensait pouvoir reprendre une vie à peu près normale, travailler et gagner suffisamment d’argent pour faire venir sa mère. Il a fallu changer ses plans.

LE PLAN B : LES ÉTATS-UNIS

  • Mais Souraya n’est pas du genre à se laisser abattre. Voilà quatre mois qu’elle est en France. Elle ne désespère pas de décrocher un emploi grâce à un CV impressionnant : des études au lycée français de Damas, un DESS en droit des affaires à l’Institut catholique de Paris et une solide expérience dans l’industrie. En attendant, elle a emménagé dans un petit appartement qu’une amie française lui loue pour une somme modique. Sa mère devrait la rejoindre pour quelques mois, dès qu’elle aura obtenu un visa.
  • Souraya devrait obtenir une carte de séjour d’un an. Le temps d’y voir plus clair et de trouver un emploi. Elle veut croire que d’ici là, la situation aura évolué en Syrie et lui permettra de rentrer dans son pays. Dans le cas contraire, si rien ne se passe comme elle le souhaite, il lui reste toujours ce qu’elle appelle « un plan B : les États-Unis. Ma mère, mon frère et moi, nous avons obtenu un visa américain valable trois ans, un sésame que beaucoup n’ont pas la change d’avoir ».

LA DOULEUR DES EXILÉS

  • Mais son cœur bat pour la France. Alors, en attendant, elle s’occupe. Elle passe du temps avec un couple d’amis syriens, lui sunnite, elle alaouite. Venus en France provisoirement l’été dernier, ils sont restés depuis. « Il était chef d’entreprise. Ils ont des enfants et doivent se débrouiller tout seuls, ils n’ont aucune aide, ils vivent sur leurs économies. » « Quand je vais chez eux, on s’assoit et on discute, on a la même douleur. Le 21 mars, c’était la Fête des mères dans le monde arabe. Avec mon amie, on a beaucoup pleuré. »
  • Entre les prières à la chapelle Notre-Dame-de-la-Médaille-Miraculeuse de la rue du Bac, tous les lundis, « parce qu’elle a fait des miracles » et que Souraya est très croyante, elle se distrait en allant un soir au Stade de France, invitée par une cousine, assister au match France-Géorgie. Fan de rugby, Souraya collectionne les calendriers des Dieux du Stade et a de l’énergie à revendre pour affronter le quotidien. Mais parfois elle flanche, comme lorsqu’elle a appris que n’ayant pas obtenu son titre de séjour définitif, elle ne pourrait pas quitter la France pour assister au mariage de son frère à Beyrouth.
  • Ses parents, séparés – on ne divorce pas chez les chrétiens d’Orient –, ne veulent pas quitter la Syrie. Ils ont peur pour leur maison. Toute leur vie est là-bas. « En France, je suis en mode survie. Je ne sais pas où je serai l’an prochain, à la même heure. Ça crée forcément des angoisses. » Qu’elle gère.
  • À Damas au début de la guerre, elle prend du Lexotan, un calmant. Un comprimé, puis deux, puis trois. « On ne dormait pas depuis un mois à cause des coups de feu dans le quartier voisin de Mezze (quartier résidentiel de Damas). Puis, j’ai arrêté les médicaments, j’ai décidé de sortir, en prenant de la tisane. Je menais cette vie étrange où l’on rentre à la maison au moment où les combats se font plus intenses et on ressort dès que ça s’arrête, comme si tout redevenait normal. Après un attentat, on se dit : “La voie est libre, ils ne vont pas frapper tout de suite !” »

LE FATALISME DES MUSULMANS

  • À son arrivée en France, le sommeil la fuit. « Je me réveillais en pleine nuit pensant entendre des coups de feu. En quelques mois de combats à Damas, j’ai appris à reconnaître le son d’un MiG ou d’un hélicoptère. Un soir, à Damas, on a été réveillé par des explosions assourdissantes. En fait, un hélicoptère survolait la maison d’où il tirait sur la banlieue voisine. L’aéroport militaire est à cinq minutes de chez nous, et jour et nuit on entend les hélicoptères à basse altitude, qui décollent ou atterrissent. »
  • Elle réalise très vite que l’on peut s’accommoder du danger. « Ma mère a l’habitude de rendre grâce à Dieu, tant que l’on a encore à manger et un toit, ce qui n’est pas le cas de beaucoup de Syriens. Pour tout, sauf le mariage, elle dit : “Ce qui doit arriver arrivera”. C’est le destin, nassib en arabe. On a hérité ce fatalisme des musulmans. »
  • Depuis qu’elle est à Paris, Souraya a davantage conscience des risques et reste rivée à son smartphone. « J’ai vraiment peur pour ma famille. » Elle échange des nouvelles sur Facebook avec ses amis en Syrie et tente de faire le tri dans les nouvelles sur les chaînes satellitaires. « Al-Jazira incite à la haine, France 24 annonce des attentats là où il n’y en a pas. Je me fie plutôt à la BBC. »
  • Comme beaucoup de Syriens, elle est très prudente quand elle parle de son pays. « Les alaouites sont les premières victimes de cette guerre. Beaucoup ont quitté le pays, quand ils en avaient les moyens. Les autres se replient dans leur montagne au-dessus de Lattaquié. Là, ils se terrent. Nous, les chrétiens, sommes les victimes collatérales de l’affrontement entre sunnites et alaouites. » Pour elle, Bachar Al Assad n’est pas le problème. « La situation n’est pas aussi simple qu’on veut le dire. »

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